La vertu d'hospitalité
est une attitude du cœur. L'hospitalité établit des relations. Elle accueille
non seulement les amis mais aussi les étrangers. L'hospitalité met les gens à
l'aise comme chez eux. Elle implique l'ouverture et l'attention aux autres.
Le mot grec xenos
signifie "étranger", mais aussi "invité " et
"hôte". Philoxenia veut dire amour des étrangers (Rom 12:13).
L'hospitalité est aussi comprise comme
moyen d'honorer et de prouver à Dieu son amour en répondant aux besoins des
pauvres (Prov 14:31)..
1. L'HOSPITALITÉ
Vous avez sûrement fait l'expérience d'être invité
à un repas par un ami ou un parent qui vous a alors généreusement accueilli. Un
repas partagé est indubitablement une marque d'hospitalité. Prenons l'exemple
de Marthe et Marie dans l'évangile de Luc (10:38-42). Marthe n'est pas
simplement occupée, mais sa charge la rend anxieuse; Marie,, d'autre part, est
calme et attentive. Elles sont toutes deux hospitalières: Marthe manifeste son
hospitalité en accueillant Jésus dans sa maison, mais Marie l'accueille dans
son cœur. L'hospitalité nous fait poursuivre notre activité en y aménageant la
disponibilité afin de déployer un maximum d'hospitalité. L'hospitalité implique
l'attention à l'autre et à ses besoins.
C'est une attitude du cœur, qui nous ouvre à
l'amitié et à la relation de personne à personne. C'est une vertu typiquement
salésienne qui découle des maximes de Saint François de Sales. Elle mène de
l'hostilité à l'hospitalité.
L'hospitalité représente un grand défi dans notre
société individualiste. Elle induit aussi une transformation intérieure: le
souci devient joie, l'individualisme se fait communion. L'hospitalité nous lie
tout en permettant la liberté. Elle nous fait nous intéresser aux autres plus
qu'à nous-mêmes. Elle marque aussi notre attention aux besoins d'autrui. Jésus
s'occupait des besoins des malades, des affamés et des indigents.
Le coeur de l'hospitalité consiste dans la
découverte du divin en chacun. Cela signifie donner à manger à l'ennemi qui a
faim et à boire à l'assoiffé; traiter encore les amis et les ennemis sur un
même pied, généreusement et gratuitement.
2. PAROLE DE DIEU
La Bible fait de l'hospitalité une obligation
morale, la tenant en haute estime et indiquant comment l'hôte doit être traité.
L'histoire d'Abraham en est un exemple typique. Le premier livre de la Bible,
la Genèse, présente Abraham et Sarah comblant leurs hôtes (Gen 18:1-8).
Habituellement, on prépare avec plaisir une fête pour ceux dont l'identité nous
est connue. Abraham, quant à lui, accueille généreusement " trois
étrangers " (Gen 18:2, 22; 19:1) qui se révèlent voyageurs. Le passage
" Ne néglige pas de faire preuve d'hospitalité envers les étrangers, car
ainsi certains ont reçu des anges sans le savoir " (Heb 13:2) illustre ce
point.
Le peuple de Dieu lui-même était autrefois fait
d'étrangers et d'esclaves (Deut 10:19). Le Lévitique prescrit d' " aimer
l'étranger comme soi-même " (19:34). Les Israélites, en tant que peuple de
Dieu attaché à la Loi mosaïque, avait le sens de son devoir de générosité:
" Si ton ennemi a faim, donne-lui du pain à
manger; donne-lui de l'eau à boire; car ce sont des charbons ardents que tu
amasses sur sa tête et le Seigneur te récompensera. (Prov 25:21-22) Le
Lévitique le confirme: " Si un étranger vient séjourner avec vous dans
votre pays, vous ne l'opprimerez point. Vous traiterez l' étranger comme un
indigène du milieu de vous; vous l'aimerez comme vous-mêmes, car vous avez été
étrangers dans le pays d'Égypte. " (Lev 19: 33-34)
Jésus lui-même profitait de l'hospitalité de
beaucoup de gens (Mt 10:9-10). L'Église des premiers siècles était réputée pour
son hospitalité. Les premiers chrétiens aussi dépendaient de l'hospitalité et
la recevaient des autres (Actes 2:44-45). La Bible relate maints exemples dans
le contexte de repas partagés et d'hospitalité appréciée; cela faisait partie
de la mission de Jésus. L'évangile de Luc présente Jésus comme étant la "
visitation " de Dieu à l'humanité entière. Jésus est donc "
l'hospitalité de Dieu ". Dès que nous manifestons notre hospitalité envers
Jésus, nous devenons plus humains et l'étendons à toutes les personnes dans le
besoin. La visite de Jésus à la maison du collecteur d'impôts Zachée (Lc
19:1-10) et la frappante hospitalité qui lui est faite illustre notre
argumentation.
L'hospitalité est caractéristique de la
spiritualité chrétienne. L'Église ne connaît pas d'étrangers; elle enseigne
bien plutôt l' "amour des étrangers " (Heb 13:1-2). La Bible abonde
en enseignements sur l'hospitalité. Paul exhorte de bien traiter nos frères
dans la foi (Rom 12:3; 1Tim 3:2). L'hospitalité biblique n'admet pas de
récriminations, de plaintes ou d'attente de récompense (1Pet 4:9; Prov
19:17).
On nous exhorte à traiter généreusement les
veuves, les orphelins (1Tim 5:1-16), les incroyants, les pauvres et les
nécessiteux (Lc 14:12-14), les étrangers, les immigrants, les réfugiés
(Gen 18:1-22) et même les ennemis (Rom 12:20) comme s'ils étaient membres de
notre propre famille. Ceci est corroboré par les paroles mêmes de Jésus: "
Quand vous donnez un dîner ou un banquet, n'invitez pas vos amis, vos frères ou
vos parents, ou encore de riches voisins, de peur qu'ils vous invitent à leur
tour en remerciement. Au contraire, quand vous donnez une fête, invitez les
pauvres, les handicapés, les paralysés, les aveugles, et vous serez bénis, car
ils ne pourront pas vous rendre. Ainsi, il vous sera rendu à la résurrection
des justes." (Lc 14: 12b-13)
L'hospitalité chrétienne obéit à l'esprit de
Jésus, qui accueillait les enfants et les adultes, les pécheurs comme les
saints, les bien portants comme les malades, les repentants et les
non-repentants tous de la même façon. L'enseignement de Jésus sur l'hospitalité
atteint son paroxysme quand il exhorte à inviter les pauvres, les handicapés,
les paralysés et les aveugles. " (Lc 14:13) Vous y gagnerez bénédiction et
récompense éternelle au Ciel. (Lc 14:14) Le Sermon sur la Montagne trace
clairement le chemin du Salut: " Venez, vous les bénis de mon Père,
héritez du Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde... En vérité
je vous le dis, ce que vous avez fait au plus petit d'entre les miens, c'est à
moi que vous l'avez fait." (Mt 25:34-36, 40)
L'unique hospitalité de Jésus se trouve dans
l'Eucharistie. Nulle part ailleurs ne se trouve plus grande hospitalité et plus
grande fraternité que là: " Celui qui mange ma chair et boit mon sang
demeure en Moi et Moi en lui." (Jn 6:56) Ce qui a lieu à
l'Eucharistie est un partage et un recevoir intimement existentiels. C'est
confirmé dans les Actes des Apôtres: " Ils étaient chaque jour tous
ensemble assidus au temple, ils rompaient le pain dans les maisons et prenaient
leur nourriture avec joie et simplicité de cœur." ((Actes 2:26) Par le
partage du pain et de leur amitié, leurs maisons se changeaient en églises
domestiques dont les portes ouvertes accueillaient même les étrangers.
L'hospitalité de Marie, aussi, est une leçon
lumineuse pour nous. Marie se hâte au début de sa grossesse de rendre visite à
Élisabeth pour la servir. Élisabeth reçoit Marie à bras ouverts, discernant la
grandeur de son hôte divine. De la même façon, Marie accueille les
bergers et les Sages venus de l'est pour rendre hommage à son Fils Jésus.
Les noces de Cana révèlent encore le cœur généreux
et hospitalier de Marie. Émue de compassion, elle s'engagea pour sauver l'hôte
de la noce d'un immense embarras, en demandant à Jésus d'intervenir. Il
existait dans l'Église des premiers siècles un courant de camaraderie et
d'hospitalité. C'était à proprement parler un ministère d'abnégation imité du
Christ. (Actes 2:44-47) Saint Paul presse sa communauté d'être bonne et
accueillante. (Rom 12:13) Saint Pierre exhorte ses disciples à être charitables
envers les étrangers. (1Pet 4:9) L'hospitalité révèle notre bonté profonde. Les
épisodes bibliques dans lesquels les rôles d'hospitalité s'inversent comme nous
l'avons vu à Cana (Jn 2:1-11), ou lorsque Jésus devient l'hôte de Zachée (Lk
19:1-10) sont de frappants exemples d'hospitalité authentique. On trouve ainsi
expliquée la nature sacrée de l'hospitalité.
3. PAROLES DE FRANCOIS
À propos de l'hospitalité, François cite en
exemple Rahab, qui portait la pratique de l'hospitalité à son comble de gloire
(Josh 6; Heb 11:31). (IVD) Ce qui rend l'hospitalité digne d'être aimée, c'est
la ferveur et la charité que nous y apportons.
Rien ne plaît plus à la majesté divine que la
bonté et l'hospitalité. François presse les Visitandines d'être hospitalières
dans un esprit de parfaite et sainte indifférence, leur recommandant de ne rien
demander ni de ne rien refuser. (EA)
MAXIMES HUMORISTIQUES DE ST FRANCOIS DE SALES
Soyons ce que nous sommes et soyons le bien, en sorte d'honorer le Maître Artisan dont nous sommes l'oeuvre. On riait du peintre qui, voulant peindre un cheval, présenta un taureau parfait; l'oeuvre était peut-être belle en elle-même, mais sans crédit pour l'artiste, dont le projet avait été différent et qui avait réussi ce tableau par pure chance. Soyons ce que Dieu veut que nous soyons, pourvu que nous Lui appartenions, et ne soyons pas ce que nous aimerions être contre Son intention. Quand bien même serions-nous des créatures parfaites sous le ciel, à quoi cela nous servirait-il si nous n'étions pas tels que Dieu nous veut ? (EA)
Quant à ceux qui se font des soucis pour l'avenir,
il les exhorte à considérer l'instant présent comme le seul temps qui soit
réellement sous notre contrôle. François ajoute: Soyons fermement résolus à
servir Dieu de tout notre cœur notre vie entière. Au-delà de cela, ne nous
soucions pas de demain. Pensons seulement à bien vivre aujourd'hui, et quand
viendra demain devenu l'aujourd'hui, il sera temps d'y penser. En tout cela
nous devons avoir grande confiance et nous reposer sur la Providence de Dieu.
Nous devons faire une provision de manne suffisante pour la journée, sans plus.
Ne doutons pas que Dieu pourvoira pour nous demain, après-demain et tous les
jours de notre pèlerinage.
Dans les volumineux écrits de François nous
pouvons détecter un équilibre ou l'évitement de tous les extrêmes. Il ne veut
pas que nous surestimions le pouvoir de l'intellect ni que nous sousestimions
la capacité du coeur. Tandis que l'intellect est calculateur, le coeur est le
siège de l'amour et le centre de l'unité. La spiritualité salésienne, faite
pour la vie pratique au quotidien, laisse Dieu illuminer à la fois
l'intellect et le coeur. C'est une spiritualité du coeur qui encourage tout un
chacun à être pleinement humain entre les mains de Dieu, à " fleurir là où
l'on est planté " et à "être ce que nous sommes et à l'être de notre
mieux. " (EA)
4. PRATIQUE QUOTIDIENNE
Si nous sommes hospitaliers,
nous nous focaliserons sur un esprit positif et nous arriverons à la conclusion que
l'univers est au fond vivable et qu'il mérite d'être aimé. Parfois
l'hospitalité exige de sortir de ses frontières et de briser l'esprit de
parti-pris et les coutumes sociales établies. D'autres fois cela demande de
cultiver des idées qui pourraient nous être étrangères. Notre hospitalité
embrasse le pluralisme qui est la condition naturelle du monde, et elle célèbre
la diversité de la création. La pratique de l'hospitalité est un moyen pour
neutraliser notre tendance naturelle à juger. C'est un moyen pour engendrer la
paix dans notre monde grevé de conflits.
En Orient, l'hospitalité
est une vertu très haut placée du fait qu'elle reconnaît le caractère divin de
ses hôtes. Elle devient un devoir sacré,
un "yajna", un sacrifice,
un don de soi à l'hôte. Il en résulte que les portes s'ouvrent, non
seulement celles des maisons mais aussi celles de cœurs. Les accueillir ainsi
doublement les fait entrer dans nos vies. Ainsi, l'hospitalité se développe en
spiritualité du cœur.
L'hospitalité est un réseau glorieux de relations,
une marque de don de soi. Elle met en valeur la tolérance, réduit la tendance à
critiquer les autres et à se venger d'eux; elle encourage la confiance et ouvre
nos cœurs et nos esprits à de nouvelles personnes et de nouvelles idées. La
véritable hospitalité nous permet de nous sentir libres, comme chez nous, sans
êtres liés. L'hôte offre son amitié de telle façon que vous n'êtes pas sur vos
gardes et pouvez être vous-mêmes. Quand celui qui reçoit et celui qui est reçu
s'ouvrent à de nouvelles perspectives de pensée et de discussion, l'individualisme
exagéré disparaît. Il s'agit aussi de l'art de savoir accueillir ses amis.
C'est ainsi que l'hospitalité peut enrichir des vies.
Thirukkural, œuvre tamile classique de la littérature
Sangham, est composée de 1.330
couplets (kurals) écrits vers 150 av.
J.-Chr. Elle est supposée avoir été écrite par Thiruvalluvar et accorde à
l'hospitalité une place prépondérante. Les Upanisads eux-mêmes considèrent comme
un acte divin l'hospitalité offerte aux hôtes. Les sâdhus, moines itinérants hindous
ou bouddhistes, étaient généreusement hébergés par le peuple. Le Dhamapada, essence de l'enseignement de
Bouddha, exhorte à la générosité et à la compassion. Les Bouddhistes ne
connaissent qu'une seule passion, précisément la compassion !
L'hospitalité est un signe louable du
christianisme en actes. Elle donne aux gens un sentiment d'importance et est un
acte d'amour et de générosité- Notre monde serait paradisiaque si nous nous
mettions à pratiquer cette noble vertu.
La tradition chrétienne d'hospitalité se pratique
par l'accueil cordial de l'étranger au sein de notre famille et traité comme
l'un des nôtres. Pourquoi n'en ferions-nous pas une métaphore pour notre mission
qui est d'ouvrir nos cœurs à nos frères et sœurs dans l'esprit du Christ. Dans notre
société multiculturelle, nous sommes confrontés au défi suivant: Comment
traitons-nous dans nos communautés et dans nos pays les personnes de
nationalités et de races différentes des nôtres ?
- Jusqu'où va votre hospitalité envers les autres - votre propre famille ? vos parents ? vos amis ? votre voisin ? les malades ? les esseulés ?
- Quel est votre accueil des étrangers et nouveaux venuspour en faire des amis ?
- Comment pouvons-nous cultiver l'hospitalité pour en faire le sceau de notre communauté ?
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